Fondee par Pierre le Grand en 1703 au bord du lac Onega, Petrozavodsk a toujours ete un haut lieu de construction navale, a l'image du chantier de l'Avant-Garde, fonde en 1938, sur les mines des petits chantiers artisanaux liquides par le regime, qui employa jusqu'a trois mille ouvriers. Ils ne sont plus aujour-d'hui que quatre cents, replies sur la construction de petites unites de loisir, en bois, en plastique ou en aluminium. Au lieu des dragueurs de mines de l'ere sovietique, on y produit desormais des canoe's en bois moule, au rythme de trois cents exemplaires par an! La plaisance, c'est la nouvelle vocation de Petrozavodsk, ou les plus grandes fortunes du pays viennent desormais faire construire de luxueux yachts en bois, comme cette goelette de 23 metres en finition sur la cale du chantier Autour du Monde (dix salaries), une coque tout en chene du Caucase, pontee de teck. Au chapitre du dynamisme, c'est le Centre Polar Odyssey qui merite la palme. L'incroyable bric-a-brac qui regne sur ce site est a la mesure des multiples activites qui s'y deroulent. Car ce chantier naval accueille aussi une ecole de charpente et de navigation traditionnelle, un foyer d'expeditions, un abri du marin, un musee et une cellule de recherche archeologique. C'est au cours d'expeditions en mer de Barents et en mer Blanche que son fondateur, Victor Dimitriev, a decouvert des epaves de navires des xvne et xvme siecles laissees par les Pomors, un peuple de marins marchands de la mer Blanche. D'ou l'idee de faire revivre ces bateaux tombes dans l'oubli. En 1987, avec le chantier de l'Avant-Garde, il reconstitue un "kotch", baptise Pomor, a bord duquel il cingle vers le Spitzberg. C'est le premier batiment d'une flotte riche aujourd'hui d'une trentaine d'unites, parmi lesquelles cinq "lodjas" - Groumant, Croyance, Espoir, Amour et Saint Nikolai (un caboteur a trois mats qui sera present a Douarnenez) -, deux fre-gates - Courrier et Saint-Esprit -, et une galeasse - Sainte Sophie. On imagine le travail genere par cette armada, qu'il a fallu construire, armer, faire naviguer et entretenir, meme si une partie de ces navires s'est egaillee de par le monde et que plusieurs d'entre eux sont deja hors d'usage.
En realite, le Centre Polar Odyssey est un miracule, car un incen-die a recemment ravage le chantier. Pas de quoi decourager Victor Dimitriev, que rien ne semble pouvoir abattre. Six charpentiers s'activent actuellement sur un kotch de 13 metres, dont le Ian-cement est prevu Fan prochain. Et le patron fourmille de nou-veaux projets: construire une arche de Noe ou Ton pourrait elever du betail et cultiver des legumes, mettre en chantier une "soirna" de 16 metres sur un plan du xvme siecle, batir un musee sur pilo-tis, organiser une fete maritime internationale, realiser un village illustrant les vieux metiers, traverser l'Atlantique... En attendant, Victor Dimitriev et les siens seront presents a Douarnenez 2004, ou ils representeront le patrimoine maritime russe.
Sonia Lassaigne